Vera Marques Oliveira – Archéologue médiéviste
Propriété des seigneurs de Montlhéry au XIe siècle, il a été détruit au XIIe siècle et reconstruit à maintes reprises. Le château a été placé de manière géo-stratégique sur la route antique Paris-Orléans. Quelle était son utilité ? La motte était-elle l’emplacement du premier château ? Les vestiges datent-ils tous de la même époque ? Les recherches menées depuis 20171 et les fouilles engagées en juin 2019 apportent de nombreuses réponses.
Fig. 1 : Proposition de restitution du bourg de Montlhéry au XIe siècle et son évolution au XIIe siècle ©Arch. dép. Essonne, 3 P 12/65 et 3 P 12/66, Traitement V. Marques Oliveira.
Révision des dates historiques
Mentionné en 798, faisant partie de la forêt d’Yvelines, Montlhéry a probablement été fortifié dès le IXe siècle. Puis en 1008, Thibaud File-Étoupe eut l’autorisation de construire un castrum en « haut du mont de Montlhéry », sur le piton gréseux haut de 137 mètres. Son fils, Gui Ier, agrandit le château en construisant la chapelle privée des seigneurs, Notre-Dame-du-Château, et la canoniale Saint-Pierre. Détruit -sauf la tour- entre 1104/1107 par Louis VI, il fut reconstruit par Louis VII. Dès 1136, les chevaliers de Montlhéry prirent place dans leur fief, la motte située à 200 mètres au nord du château. Entre 1200 et 1210, Philippe Auguste entrepris aussi une reconstruction quasi-totale du château. Le château et le bourg furent touchés par les raids Anglais entre 1357 et 1359. Suite à cela, Olivier V de Clisson apporta d’importantes modifications entre 1382 et 1390. En 1417 et 1418, lors de la Guerre de Cent Ans, le château et son bourg ne furent pas épargnés. Enfin, en 1591, le roi autorisa le démantèlement du château. Les pierres de la construction furent alors réutilisées pour une nouvelle enceinte du bourg, la reconstruction des habitations et pour la construction de la demeure du seigneur de Bellejame, à Marcoussis.
Nouvelle analyse architecturale
Château à basses-cours, la construction s’est étagée le long de l’éperon, s’adaptant ainsi à la topographie. Les vestiges actuels présentent principalement un château philippien de forme pentagonale aux mesures régulières. La tour maîtresse présente des aspects philippiens dans ses deux premiers niveaux. Puis Olivier V de Clisson a ensuite surhaussé la tour, refait les accès et les ouvertures du château, notamment en remblayant la cave et en ajoutant deux escaliers à la tour maîtresse. Le premier escalier est visible par les arrachements extérieurs de la tour maîtresse, qui ont longtemps été considérés comme des latrines-bretèches. Puis le deuxième escalier relie la tour maîtresse à la tour à latrines au nord-ouest. La légende des latrines de la tour maîtresse est donc à jeter aux oubliettes.
Pourquoi « Tour maîtresse » et non « Donjon » ? Jean Mesqui2, castellologue, a expliqué que le terme de « donjon » faisait état de l’ensemble des bâtiments « réservé au seigneur, où s’exerce le pouvoir du châtelain ». La grande tour de Montlhéry est alors considérée comme une tour maîtresse et non un donjon.
Château philippien
L’adjectif « philippien » fait référence aux constructions durant le règne du roi Philippe Auguste (1180-1225). Ses caractéristiques sont les suivantes : archères à fente simple et ébrasement triangulaire, des baies à coussièges, un escalier rampant, un système assommoir-herse-archère à étrier pour défendre les portes, un voûtement en ogives sexpartite retombant sur des culots en demi-pyramide renversée. La forme géométrique du château, son appareillage régulier ainsi que la présence du logis accolée à la courtine nord-ouest dégageant ainsi l’espace pour une cour dénotent également du style philippien. Le château a été reconstruit entre 1200 et 1210 afin de constituer un maillage castral hiérarchisé et efficace contre les Plantagenêt.
Éléments inédits
La reconstruction ludovicienne -durant le règne de Louis VII (1137-1180)- est un fait supposé d’après les vestiges archéologiques de la tour nord-ouest, les faits historiques -la construction de l’église Notre-Dame-du-Mont-Carmel et l’hôtel-Dieu- et la résilience parcellaire. La tour nord-ouest est dotée de latrines à conduit biais ; ce système a été surtout utilisé au XIe et XIIe siècle. La construction en meulières de la structure interne de la tour permet également d’émettre l’hypothèse d’une datation au XIIe siècle.
À nouveau, la résilience parcellaire et les vestiges visibles dans la ville de Montlhéry ont permis de proposer une délimitation du bourg au XIe siècle puis son évolution au XIIe siècle (Fig.1). La porte Baudry, située au 38 rue Fromagère, a été reconstruite au XVIe siècle.
Enfin, les fouilles menées en juin 20193ont mené à la confirmation d’hypothèses sur la construction du château. La courtine sud a été édifiée à la fin du XIVe siècle ; le plan du château a donc fait l’objet de modifications de la part d’Olivier V de Clisson.
La révision des dates historiques a permis d’apporter de nouvelles informations sur l’histoire du château de Montlhéry et de son bourg. Mise en corrélation avec une nouvelle analyse architecturale, un nouveau phasage a été proposé (Fig.2).
Fig. 2 : Proposition de phasage du château de Montlhéry (Essonne), ©V. Marques Oliveira.
Emplacement géo-stratégique
Placé de manière stratégique sur un éperon rocheux afin de contrôler la route antique Paris-Orléans, Montlhéry a été un des châteaux les plus importants du royaume de France du XIe siècle jusqu’au XVIe siècle. Les premiers seigneurs pouvaient ainsi bloquer le commerce et les déplacements du roi. Puis aux mains du roi, il a permis de verrouiller le sud du territoire de l’Île-de-France face, notamment, à la menace Plantagenêt. Le maillage castral reflétait un réseau hiérarchisé fortifié réfléchi dès le XIe siècle.
Références bibliographiques
1Marques Oliveira V., Le château de Montlhéry (Essonne), Du XIe au XVIe siècle, Étude architecturale, Mémoire de Master 2 en archéologie médiévale, sous la direction de D. Sandron, Sorbonne Université-Faculté des Lettres, 2019.
2Mesqui J., Châteaux et enceintes de la France médiévale, de la défense à la résidence, Picard, Paris, 1991.
3Marques Oliveira V., Les courtines extérieures nord-ouest et sud du château de Montlhéry (Essonne), Rapport de fouille, 2019.