Les « Morts pour la France» de Montlhéry (1914-1918)

par Jean Lescure

 

On constate une grande différence entre les listes des « Morts pour la France » de la Guerre 1914-1918 inscrits sur le monument aux Morts du cimetière de Montlhéry, sur celui de l’église, et surtout avec la liste des « Morts pour la France » du Livre d’Or de la commune. Pour la guerre 1914-1918, 78 noms sont inscrits sur le monument du cimetière, 62 dans le Livre d’Or et 52 sur le monument de l’église. De plus, ce ne sont pas toujours les mêmes noms qui y sont inscrits : 25 noms inscrits au cimetière ne sont pas dans le Livre d’Or, 10 noms du Livre d’Or ne sont pas sur le monument du cimetière, deux noms du monument de l’église ne sont ni au cimetière ni dans le Livre d’Or. Toutes ces différences ne sont pas dues seulement à un écart de dates entre les inscriptions sur les monuments en 1921 et la diffusion du Livre d’Or en 1929 mais à un défaut de réglementation, de précision au sujet des inscriptions des Morts pour la France dans le Livre d’Or et sur les monuments. Le lien direct entre un « Mort pour la France » et la commune de son inscription sur un Monument aux Morts, n’ayant pas été défini avec précision, il a été sujet à diverses interprétations.

Il y a 78 noms inscrits pour la guerre 1914-1918 sur le Monument aux Morts du cimetière de Montlhéry. Soixante et onze d’entre eux sont les noms de soldats, qui ont été officiellement déclarés « Morts pour la France ». Sept de ces Morts n’ont pas eu droit à ce titre et, théoriquement, leurs noms ne devraient pas être sur le monument aux Morts, ils ne sont d’ailleurs pas sur le Livre d’Or. Ce sont ceux de Joseph Appert, Emile Bierne, Henri Bonnamy, Eugène Bonville (pour Bonneville, écrit par erreur sur le monument), Rémi Jacquelin, Lucien Lemonnier et Henri Mestivier. Joseph Appert, affecté à la territoriale en 1917, mort le 8 février 1919 d’une grippe infectieuse (sans doute la grippe espagnole) à son domicile de Montlhéry, a été déclaré non Mort pour la France. Emile Bierne, né le 21 novembre 1878 à Montlhéry, maréchal des logis, est décédé le 17 août 1914 à l’hôpital Saint Maurice à Vincennes, d’une « maladie non imputable au service ». Auguste Henri Bonnamy, né le 24 avril 1888 à Montlhéry, est décédé le 17 avril 1915 à Suzanne dans la Somme; « il a été trouvé mort le matin dans la cabane qu’il occupait avec ses camarades, embolie probable ». Eugène Bonville, né le 9 décembre 1886 à Marcoussis, est décédé le 21 février 1918 de maladie en son domicile, 25 rue de la Ferronnerie à Montlhéry. Rémi Lucien Jacquelin, né le 1er octobre 1870 à Alluys (Eure et Loir), domicilié à Montlhéry, est décédé le 23 juin 1917 à l’hôpital mixte du Havre de maladie non imputable au service. Lucien Fernand Oscar Lemonnier, né le 3 août 1886 à Boulou (Calvados), domicilié à Montlhéry, est mort noyé dans la Seine à Bobigny, le 27 décembre 1918, un accident déclaré « non imputable au service ». Enfin, il y a parmi ces non « Morts pour la France », le maréchal des logis Mestivier Henri Maurice, né le 21 décembre 1879 à Maves (Loir et Cher). Les montlhériens de la génération d’entre les deux guerres connaissent ce nom parce qu’ils ont très bien connu sa veuve, Mme Mestivier, sage-femme, habitant 7 place du Marché. Celle-ci a mis au monde la moitié des enfants de Montlhéry, nés entre les deux guerres et pendant la deuxième guerre mondiale. C’est le cas du signataire de cet article, de son frère et de ses sœurs. Le maréchal des logis Mestivier est décédé le 4 octobre 1917 à l’hôpital d’Orléans à la suite « d’une maladie aggravée en service ». On a cru très légitimement à Montlhéry qu’Henri Mestivier était « Mort pour la France », comme d’autres morts de maladie aggravée en service, et on l’a inscrit sur les Monument aux morts du cimetière et de l’église. Malheureusement, il n’a pas été déclaré « Mort pour la France » à la suite d’une maladie « imputable au service », comme un bon nombre de cas semblables. Le verdict du tribunal des Pensions est arrivé après la première rédaction du Livre d’Or et l’érection des Monuments aux morts de Montlhéry : Henri Mestivier n’est pas « Mort pour la France ». Paix à sa mémoire! Le souvenir des Montlhériens prévaut : ceux-ci continuent à le glorifier en mentionnant son nom pendant l’appel des Morts pour la France lors des journées commémoratives au cimetière et à l’église et ils ont sans doute raison. Justice lui est rendue !

Aucun texte législatif ou réglementaire ne détermine expressément les conditions d’inscription sur les monuments aux morts communaux. Est-ce le monument de la commune de la naissance, du domicile avant ou après un mariage, du dernier domicile ou même du domicile de la famille ? Il semble que l’usage de ne pas inscrire une même personne sur plusieurs monuments aux morts ait prévalu mais on constate cependant des inscriptions à la fois sur le monument de la commune de la naissance et sur celui du dernier domicile. Autre circonstance, les familles ont fait parfois pression pour que leur Mort à la guerre soit inscrit sur le monument de leur commune, même si celle-ci n’était pas la commune de la naissance ou de la dernière résidence du défunt, surtout si celui-ci est enterré dans la tombe de la famille sur cette commune. C’était une pression bien compréhensible à laquelle beaucoup de maires ont cédé.

Il y a neuf « Morts pour la France » mentionnés dans le Livre d’Or de Montlhéry, donc « officiellement » nés ou résidents à Montlhéry, qui ne sont pas inscrits sur le Monument aux morts du cimetière de la ville. Ce sont : Aubrière Arthémon, Brissaut Aimé, Collet Etienne, Durand Raoul, Fauchet Henri, Legentil Constant, Letourneau Pierre, Nicoli Dominique et Vanderheyden Paul. La non-inscription de Brissaut Aimé Lucien sur le monument de Montlhéry est compréhensible. Aimé Lucien Brissaut est né à Linas le 11 mars 1891, mais il habite Montlhéry avant la mobilisation de la guerre, il y est d’ailleurs clerc d’huissier. Tué le 27 septembre 1915 dans la Meuse, déclaré « Mort pour la France », il est inscrit dans le Livre d’Or de Montlhéry, sa commune de résidence, mais il est inscrit aussi sur le Livre d’Or de Linas, son lieu de naissance. La Mairie de Linas l’y a ajouté, très légitimement, en 1931, lors de sa révision de son Livre d’Or. Brissaut est inscrit sur le Monument aux morts du cimetière de Linas, où il est peut-être enterré, car c’est la commune de ses parents et de sa jeunesse. La mairie de Montlhéry n’a sans doute pas voulu faire de doublon et ne l’a pas inscrit sur le Monument aux morts de la ville sachant qu’il était sur celui de Linas. Aubrière Arthémon n’est pas né à Montlhéry et ce n’est pas sa dernière résidence, son avis de décès « Mort pour la France » a été transcrit à Gambaiseuil (Yvelines). C’est apparemment une erreur de l’avoir laissé inscrit sur le Livre d’Or de Montlhéry. Collet Etienne est né à Montlhéry, Vanderheyden Paul est né aussi à Montlhéry et y habitait, Durand Raoul, Fauchet Henri, Legentil Constant, Letourneau Pierre, Nicoli Dominique ne sont pas nés à Montlhéry mais y résidaient, leurs avis de décès ont été transcrits à Montlhéry. Donc, à part Aubrière, c’est normal que les Morts pour la France, que nous venons de citer soient inscrits sur le Livre d’Or de la ville mais nous ignorons les raisons de leur non-inscription sur les Monuments aux Morts de la ville (cimetière et église). Leurs familles ne résidaient sans doute pas à Montlhéry, lors de l’érection de ces monuments, et n’ont pas demandé l’inscription de leur défunt sur les Monuments aux Morts de la commune. Il y a cependant une erreur, une omission ou une apparente contradiction quelque part parmi ces inscriptions ou ces non-inscriptions.

Si on examine les décès des 89 soldats de Montlhéry « Morts » pendant la Guerre 1914-1918, on constate que 27 d’entre eux (30 %), sont nés à Montlhéry. Huit (10 %) sont nés dans des communes environnantes (Linas, La Ville du Bois, Longpont, Marcoussis), 24 sont nés en Ile de France tandis que les autres viennent de toute la France, notamment de l’Eure-et-Loir et du Loiret. Montlhéry avait alors besoin de main d’œuvre. L’Eure-et-Loir a d’ailleurs continué à procurer des travailleurs à la région de Montlhéry après la première et même la deuxième guerre mondiale.

Quatre-vingts neuf « Morts »! C’est beaucoup pour une petite ville de 2493 habitants, comme Montlhéry en 1911. C’est sans doute autour d’un tiers de ses hommes entre 20 et 50 ans. Parmi ces 89 « Morts », 45 ont été tués à l’ennemi pendant les combats, 9 ont été déclarés disparus, 19 sont morts à l’ambulance des suites de blessures de guerre, 16 sont morts de maladie plus ou moins imputables au service. Beaucoup de morts à l’ambulance et à l’hôpital ! La pénicilline, les antibiotiques n’existaient pas encore, ils ne seront découverts qu’à la fin de la 2ème guerre mondiale et sauveront beaucoup de vies de combattants.

Liste des Morts pour la France (Guerre 1914-1918) de Montlhéry

ALLAIS Julien, AMY Fernand, ARMAND Philibert, AUBRIERE Arthémon, AUVRAY Alphonse, AVELINE Marius, BANNWARTH George, BENOIST Charles, BERNARD Marcel, BIRE Emile, BONNEAU Raymond, BORDRY Félix, BRISSAUT Aimé, BRISSON Marcel, BUCHETTE Alcide, CHABOCHE Marie, CHAROLET Auguste, CHARPENTIER Léon, CHEVALLIER Fernand, COLLET Etienne, CORBY Marcel, DAVOINE Marcel, DESHAYES André, DOGUET Maurice, DUCLAIR Charles, DUMAY Albert, DUMAY Georges, DURAND Raoul, FARGIER Albert, FAUCHET Henri, FLEURY Valentin, FONTAINE Onésime, FONTAINE Paul, FOURNIER Victor, GACHET Armand, GAILLARD Vincent, GEORGE René, GESTIN Henri, GRAILLOT Pierre, GRAPHT Eugène, GRONDARD Ernest, GUYON Pierre, HALLOPPE Léon, HORNSTEIN Léon, HUET Fernand, JOURNEL Alcide, JUBERT Eugène, JULLIEN Louis, JULLIEN Marius, LANGUMIER Lucien, LEGENTIL Constant, LEGOUPIL Raoul, LEGRAND Victor, LEMAIRE Marcel, LEMAIRE Ulysse, LETOURNEAU Pierre, MARTIN Victor, MICHELET Henri, MICHELET René, MONTIER Léon, MORIZET Henri, NIAU Henri, NIAU Joseph, NICOLI Dominique, PEAN Henri, PETIT Léon, PIGEASSOU Auguste, PIPART Joseph, PLOYER Joseph, POINT Paul, RENARD Eugène, RICOIS Maurice, RIVIERE Jules, ROBERT Lucien, ROBILLARD Lucien, SAINE Alphonse, SERANNE Paul, TONNELIER Georges, VACHER Armand, VANDERHRYDEN Paul, VASSEUR Eugène, VEDRENNE Léon.