La bataille de Montlhéry

Le 16 juillet 1465, les territoires de Montlhéry et Longpont étaient le théâtre d’une sanglante bataille entre la Ligue du Bien Public et le roi de France, Louis XI.

Pourquoi cette bataille, qu’elles en ont été les conséquences ?

La bataille de Montlhéry a été une drôle de bataille. Les protagonistes n’avaient apparemment pas très envie d’en découdre. L’issue a été incertaine et les deux parties se sont déclarées vainqueurs. Elle a été marquante aussi car c’est la dernière fois que les grands seigneurs du royaume ont pris les armes contre leur suzerain le roi de France. Il y a bien eu, au fil des siècles, des complots mais jamais jusqu’à livrer bataille. Les deux armées face à face étaient fondamentalement différentes.

D’un côté l’armée royale, réorganisée par Charles VII, le père de Louis XI en armée de professionnels, avec une hiérarchie et un entrainement tout au long de l’année même en temps de paix et de l’autre un ost féodal dernier vestige de la période moyenâgeuse, les grands seigneurs. En effet, pendant la guerre de Cent ans, de grandes familles féodales se sont reconstituées. Pour rétablir son autorité, Charles VII a dû lutter contre les puissants ducs de Bretagne, de Bourbon, d‘Alençon, d’Armagnac, etc. Pendant cette guerre les grands seigneurs en ont pris à leurs aises. L’autorité du roi de France est toute symbolique. Charles VII essaiera de les rapprocher du giron royal sans succès. Louis XI continuera cette lutte et passera tout son règne à les combattre et à les vaincre ; l’un de ses plus grands adversaires sera le duc de Bourgogne

Le 22 juillet 1461 c’est la mort de Charles VII à Mehun-sur-Yèvre. Louis XI est absent lors des funérailles royales à Saint-Denis, montrant ainsi le peu d’estime qu’il porte à son père. Il montre aussi un de ses traits de son caractère, il a la rancune tenace. Trois semaines plus tard Louis XI est sacré à Reims. Lors de l’entrée de Louis XI dans Paris, le 30 août 1461, Philippe III Le Bon, le duc de Bourgogne, se fait remarquer avec son escorte comptant pour la moitié du cortège et comprenant une imposante troupe en armes

A l’arrivée au pouvoir de Louis XI, c’est le grand chambardement. Le nouveau roi fait place nette et tout ce qui a trait de loin ou de près à Charles VII est remis en cause. Il efface l’administration de son père. Il révoque de nombreux officiers (Chancelier, président du parlement, baillis, sénéchaux, …). Il crée ainsi un grand mécontentement. Les seigneurs se regroupent contre Louis XI et on retrouve bon nombre de ces révoqués dans leur rang.

La Ligue du Bien Public se forme en 1465.

Il y a, bien sûr, deux versions qui s’opposent, celle où les seigneurs ne pensent qu’au peuple et défendent les intérêts généraux et celle où ils cherchent surtout à défendre leurs avantages. Il est difficile de choisir l’une ou l’autre ; on remarquera, cependant, que, déjà à cette époque, les grands de ce monde pensent que les impôts sont trop élevés et qu’il faut les diminuer…l’histoire se répète.

Les deux principaux conspirateurs sont, pour des motifs différents, le Comte de Charolais et le Duc de Bretagne.

  • Le comte de Charolais : Charles n’est, à ce moment, ni duc de Bourgogne, ni encore le Téméraire. Il n’a jamais admis la perte des villes Picardes rachetées par Louis XI en 1463 à son père, Philippe le Bon. Il soupçonne également le roi d’avoir voulu le faire assassiner à deux reprises en 1462 et en 1464. La dernière ambassade avait été fort peu amicale et Charles avait dit aux plénipotentiaires, en novembre 1464, … qu’avant un an le roi s’en repentira…
  • Le duc de Bretagne : François II, duc de Bretagne, cherche à sauvegarder l’indépendance de son duché. Mais une autre raison motive aussi son ralliement. En supprimant l’hommage simple rendu par les Ducs de Bretagne, Louis XI a fait savoir, clairement, que le duc de Bretagne est son sujet. En effet jusque dans les années 1460 les rois de France n’exigeaient des ducs de Bretagne qu’un hommage simple, c’est à dire que le duc s’y présentait debout l’épée au côté et non à genoux. A cette suppression, le duc de Bretagne rétorque qu’il n’est pas bon de faire courber l’échine à celui qui n’a jamais ployé le genou… »

D’autre part, en s’alliant aux Sforza qui possèdent le duché de Milan, Louis XI crée un problème important car le duché de Milan est revendiqué par la famille d’Orléans et le duché de Naples par les Angevins. Cette alliance contrarie ces familles au point qu’elles décident de rejoindre la Ligue. Certains grands seigneurs ont été des victimes directes des révocations du début du règne et ils voudraient bien récupérer leur charge et surtout les avantages qui y sont attachés. Jean de Bourbon, Jean V comte d’Armagnac, Jean d’Alençon…. Quant au frère du roi, Charles, le duc de Berry, qui sait qu’il n’a aucune chance de monter sur le trône sinon d’éliminer Louis XI, il rejoint la Ligue pour cette raison. Il y sera placé en prête-nom à sa tête.

On voit que les motifs de la création de la Ligue s’éloignent un peu du Bien Public.

Avant bataille, la campagne du Bourbonnais

Au mois de mars 1465, le premier à déclencher les hostilités est Jean II de Bourbon, le beau-frère du roi, qui donne l’ordre que « dans tout le pays de son obéissance » on se saisisse des gens du roi. Bourbon rassemble troupes et alliés. Chaque place forte reçoit une importante garnison. Louis XI décide de réprimer le soulèvement de son beau-frère et de mener campagne dans le Bourbonnais. Elle commence le 13 mars à Poitiers

Le 16, il est à Thouard, il passe par Saumur la première quinzaine d’avril puis Tours, du 20 au 24 avril ; Amboise, le 26 avril ; Saint-Aignan, le 28 ; Issoudun, les 4 et 5 mai ; Saint-Amand-Montrond, le 7 mai et Lignière, le 9 mai. Le 12 mai, il assiège Montluçon. La ville se rend après une journée et une nuit de siège, après avoir reçu la garantie du roi d’avoir la vie sauve. Devant la clémence du roi d’autres villes du bourbonnais se soumettent. La campagne s’accélère et le 21 juin l’armée royale se regroupe à Gannat. Après une brève résistance le château est pris. Et là, changement de décor, le roi laisse ses troupes mettre à sac la ville. Le 23 juin l’armée royale est aux portes de Riom. La paix est signée et les seigneurs de Nemours, d’Armagnac, d’Albret prennent le parti du roi. Nous sommes fin juin et le roi est aux portes de Clermont-Ferrand. Jusqu’au 3 juillet il reste dans la région, mais dès qu’il est informé des mouvements de troupe de la Ligue, il décide de remonter sur Paris. Comme ses troupes ont déjà menée campagne et qu’il leur faut repartir à pied, ce n’est que le 11 juillet qu’elles atteignent Beaugency et le 13 juillet Orléans. Le 14 elles arrivent à Etampes et le 15 à Etrechy. Nous sommes la veille de la bataille et il n’est pas encore arrivé sur le champ de bataille.

Pendant ce temps les armées de la Ligue 

La course vers Paris de l’armée bourguignonne ne commence pas à Dijon mais à Mézières et Saint Quentin lieu de leur rassemblement. Le 5 mai l’armée bourguignonne prend la direction Paris. Malgré tout ce n’est pas aussi facile. Elle doit batailler car elle traverse les terres picardes qui sont fidèles au roi. Le 6 juin l’armée franchit la Somme à hauteur de Bray. Après quelques escarmouches et batailles, il franchit l’Oise à Pont-Sainte-Maxence. Le 5 juillet Charles est à Saint-Denis il attend ses alliés comme il a été convenu avec le duc de Bretagne. Malgré tout, il y a quelques combats pour tester la résistance des parisiens. A cette date, le roi est encore vers Riom et commence à remonter vers Paris.

L’armée bretonne est forte de 12 à 15 000 hommes avec une artillerie conséquente. Elle est commandée par les ducs de Bretagne et du Berry, de bons capitaines la composent dont la plupart ont été évincés par Louis XI. En Avril- mai 1465, le regroupement se fait à Chateaubriand. La difficulté principale de cette armée est le manque d’argent ; François II envisage même de quitter la Ligue. Le 13 juillet les Bretons arrivent à Châteaudun. Ils restent sur place car il n’y a plus d’argent dans les caisses. Le comte du Maine qui était chargé par Louis XI de les arrêter ne les attaque pas mais, avec ses troupes, il rejoint Louis XI à Montlhéry

Les armées en présence

L’armée royale

Les troupes royales sont constituées en armée régulière permanente sous la forme de compagnie d’ordonnance composée des troupes de la « petite ordonnance » ou « mortes payes » et des troupes de la « grande ordonnance » composée par les francs archers, la garde écossaise l’artillerie le ban et l’arrière-ban.

Cette organisation de l’armée date de 1445 et a été mise en place par Charles VII C’est une armée professionnelle avec une organisation moderne assez proche de ce que l’on connaît aujourd’hui.

Tout d’abord les mortes payes, ce sont des troupes de garnison qui assurent le contrôle permanent des nombreuses places fortes du royaume. L’expression est utilisée de leur création jusqu’au XVIIème siècle. Leur organisation est similaire à celle des compagnies d’ordonnance. L’unité de base est la « lance ». Composée d’un homme d’armes, d’un valet et de deux archers, l’organisation de la lance de la grande ordonnance est un peu différente. Ils n’ont pas de chevaux puisque ce sont des troupes d’infanterie et sont chargées de défendre les places fortes et les villes

Les troupes de la « grande ordonnance » sont celles qui vont livrer bataille et que l’on retrouve à Montlhéry. Ce sont des compagnies de cavalerie dont les chefs ont été ordonnés par le roi. Chaque compagnie est composée d’un certain nombre de lances. Chacune des lances comprend six hommes à cheval mais combattant à pied : un homme d’armes, en armure, qui commande la lance et qui est un noble, un coutilier, un page, deux archers, un valet. La lance de grande ordonnance compte deux hommes de plus que la lance des mortes payes. Un an avant Montlhéry, l’armée royale compte 1765 lances (10 590 hommes) 23 compagnies dont 12 de 100 lances. Les compagnies ne comptent pas le même nombre de lances certainement en fonction du seigneur qui commande. Le coutilier est un soldat armé d’une lance et d’une dague, il est revêtu d’un haubergeon de mailles surmonté d’une brigandine. L’origine de son nom vient de la coutille (ou costille), qui était une épée courte ou dague large et tranchante fixée à une hampe. La coutille est une arme à allonge, qui permet d’attaquer des adversaires distants de 3 mètres. C’est la longueur de la hampe qui donnait la distance. Généralement les armes de l’époque étaient issues des outils de tous les jours que l’on adaptait pour s’en servir comme armes.

L’armée royale est composée aussi d’une infanterie de campagne régulière, les francs archers. Ces troupes ont été créées par l’ordonnance du 28 avril 1448. Il s’agit d’une milice paroissiale. Le quota en est un archer pour 80 feux. Le franc archer ne paye pas la « taille » il est exonéré de cet impôt ; il touche 4 livres tournois et son équipement est payé par la paroisse, mais, en contrepartie, il doit s’entraîner chaque dimanche au tir à l’arc. Ils étaient facilement et rapidement mobilisables et en principe, régulièrement entrainés et bien équipés. Leur équipement : arc ou arbalète, épée, dague, jaque et salade.

Des documents attestent de l’existence de la Garde écossaise en 1425. Ce corps d’armes est connu sous le nom « d’archers des gardes du corps du Roy » et sera intégré en 1460 dans ce qui devient la première compagnie des gardes du roi dite « écossaise ». À l’intérieur de celle-ci, 25 archers gardes du corps gardent d’énormes privilèges (le terme de « garde de la manche » employé pour ces 25 gardes signifie qu’ils se tenaient à côté du roi pour le protéger). Ce corps garde cette composition jusqu’à sa disparition en 1830. La garde écossaise était également employée comme unité combattante. Nombre de ses membres furent tués à la bataille de Montlhéry

L’artillerie est l’une des plus modernes de l’époque. Le personnel permanent se compose vers 1465 de 40 à 45 hommes. Les pièces sont légères, assez facile à manœuvrer et peuvent être rapidement mise en batterie. Les boulets sont en pierre et on commence à voir l’apparition des boulets en fonte.

Les troupes composant le ban et l’arrière-ban ne sont pas permanentes. Cela concerne les nobles et possesseurs de fiefs. Ils servent comme hommes d’armes avec 2 ou 3 chevaux et 1 ou 2 auxiliaires. Dès mars 1465, Louis XI fait appel aux nobles de toutes les provinces

L’armée bourguignonne

L’armée bourguignonne est un ost féodal soumis à une hiérarchie précise. Dans le droit féodal, le roi ou le seigneur publiait son ban de guerre et convoquait ses vassaux sous sa bannière et à son « ost » (armée), « que de se procurer les moyens de combattre ». Les hommes d’armes servaient pour un temps déterminé (de quarante à soixante jours). Quiconque désobéissait devenait félon et, comme tel, était privé de son fief et de ses droits. Ce pouvoir de « ban » dont disposait le seigneur était l’un des rouages essentiels de la féodalité. Il permettait d’ordonner, de contraindre et de châtier en fait, le vassal n’avait pas d’autre choix que de répondre au suzerain …mais on imagine la motivation de la troupe

C’est Charles qui dirige sur le terrain son armée. Il est secondé sur le champ de bataille par 3 lieutenants : Antoine, Bâtard de bourgogne, Adolphe de Clèves seigneur de Ravestein, Louis de Luxembourg comte de Saint-Pol qui est qualifié par Commynes de « principal conducteur de ses affaires et le plus grand chef de guerre ». Chaque lieutenant, en fonction de son statut, a sous ses ordres plus ou moins de seigneurs. Par exemple Saint-Pol 39, Ravestein 17, le Bâtard 9.

Les archers représentent le gros de la troupe bourguignonne (près de 80% de l’effectif). Le parc de l’artillerie bourguignonne est considéré comme l’un des plus considérables du XVe siècle (443 bouches à feu pour cette campagne).

Les préparatifs

Le 15, veille de la bataille, Louis XI est à Etampes. Il apprend que Charles a passé la seine à Saint Cloud et s’installe à Longjumeau. Les Bretons ont repris leur marche. Lorsque Louis XI tient conseil, tous ces partisans lui conseillent de ne pas livrer bataille. Louis XI décide malgré tout de livrer bataille et de ne pas tenir compte de leur avis. Pourquoi cette décision ? Les troupes bretonnes ont repris leur marche en avant et vont grossir l’armée bourguignonne. Il a donné l’ordre au commandant de la place de Paris de sortir avec des troupes et de prendre les bourguignons à revers. Le créneau pour livrer bataille est étroit. La décision est prise malgré l’absence d’une partie de ses troupes et principalement l’artillerie. Pendant ce temps les bourguignons attendent sur place tranquillement.

Le jour de la bataille les bourguignons se mettent en place. Saint Pol le comte du Luxembourg est prêt très tôt le matin. D’après les textes, Saint Pol couchait dans le village de Montlhéry et quand il vit les 400 hommes arrivés,  il a pensé que c’était l’armée royale et s’est vite replié pour prendre sa position sur le champ de bataille.

Le fait que les champs soient cultivés et que l’on soit en plein été avec une forte chaleur aura une conséquence sur l’issue de la bataille. Les troupes à pied et notamment les archers seront les premières victimes. Les troupes bourguignonnes n’ont aucune visibilité. Surtout qu’à cette époque, les tiges de blé étaient plus hautes qu’aujourd’hui et la taille moyenne des hommes plus petites.

La position de l’armée française est meilleure mais ils ne sont que 400 et le reste de la troupe avec le roi arrivent sur les hauteurs de Montlhéry vers 10 – 11 heures. L’avantage est que le roi et ses troupes sont en meilleure situation : ils dominent.

L’armée bourguignonne prend position sur la plaine ; les combats tardant à démarrer, un grand désordre règne ; les cavaliers sont à pied, certains pages ont emmené les chevaux à l’arrière, bref pas d’organisation ; Il faut dire qu’à cette époque on se battait à pied, les chevaux servaient pour les déplacements

Du coté des français, difficile de donner un effectif, les hommes arrivent au fur et à mesure sur le champ de bataille ; on l’estime de 12 000 à 13000 hommes. Le roi tergiverse et retarde le combat pour avoir le maximum de combattants mais aussi en espérant le renfort des parisiens. Dans les textes il est noté une haie que l’on ne sait pas trop positionner aujourd’hui mais qui se trouvait sur l’aile droite des français, du côté de Pierre de Brézé. Elle aura son importance au début de la bataille.

La bataille

La bataille débute par un échange de tirs d’artillerie entre les pièces bourguignonnes et les quelques canons français. Ils ne sont pas encore arrivés sur le champ de bataille. Il y a peu de dégâts, trop d’imprécision dans les tirs. Aux environs de 14 heures Louis XI se prépare à passer à l’attaque. Il semble convaincu que les parisiens ne viendront pas le renforcer. Il se décide pour une attaque roulante, Pierre de Brézé en 1ère vague, lui en 2ème vague et enfin le comte du Maine. Si tout va bien il espère que celui-ci choisira de se battre au côté du vainqueur. Dans l’autre camp Charles tergiverse, doit il temporiser ou s’engager ? Les parisiens risquent d’arriver s’il attend trop, le gros de l’artillerie ainsi que le reste des troupes à pied du roi vont finir par arriver.

La bataille s’engage, les archers bourguignons qui sont en fait des archers anglais commencent à envoyer leurs traits. A ce moment la cavalerie de Brézé se replie derrière la haie. Stratégie ou repli pour éviter les flèches bourguignonnes ? C’est toujours une interrogation. Les bourguignons croient à une fuite. La cavalerie bourguignonne charge dans une totale confusion. Elle n’était pas prête, la pseudo fuite de Brézé a déclenché une euphorie, beaucoup de cavaliers n’avaient pas leurs chevaux, les pages les avaient retirés du champ de bataille pour ne pas les effrayer : c’est le plus parfait désordre. De peur de rater cette éclatante victoire les chevaliers bourguignons se précipitent dans la mêlée et écrasent au passage les troupes à pied qui sont devant (archers anglais).

C’est alors que Brézé fait demi-tour et dévale la colline de chaque côté de la haie en deux corps parfaitement disciplinés. On peut supposer que le repli était une stratégie pour surprendre les bourguignons. Et c’est la débâcle des bourguignons.

Les bourguignons étaient plus entrainés pour les tournois sur la place de Bruges que pour une charge de ce style et ils prirent rapidement la fuite. C’est au cours de cette charge que le sénéchal de Brézé fut tué. On voit la croix commémorative sur le champ de bataille.

Toute l’aile gauche bourguignonne est entrainée dans la déroute. Les français les poursuivent jusqu’au charroi mais l’appât du gain est le plus fort. A l’époque, les seigneurs se déplaçaient avec leur trésor et tous les vivres et boissons pour la campagne. Les français n’ont pas pu résister à l’appât du gain et aussi du vin et des provisions. Les bourguignons se reprennent, se regroupent et repartent à l’attaque. Ils se retrouvent encerclés dans les chariots et se font massacrer, après être descendus de cheval et certainement ont commencé à abuser du vin qui était à leur disposition Avec la chaleur cela n’a pas du arranger leur état.

Louis XI de son poste d’observation sur la colline voit la débâcle de Saint Pol et décide alors de porter son effort sur le gros des troupes bourguignonnes dans la partie centrale du champ de bataille. Le choc est terrible et les troupes d’élite de Louis XI que sont les Dauphinois et la garde écossaise sont au cœur de la mêlée. Louis XI en chef de guerre est à leur tête. Les troupes bourguignonnes pas habituées à cette furia sont partout en débandade. Il reste au comte du Maine sur l’aile droite avec Charles en face de lui à terminer le travail… Comme Louis XI l’avait demandé, le comte du Maine se lance dans la bataille. Il s’élance pour mener l’assaut mais avant d’arriver au contact des troupes de Charles, il fait demi-tour et s’enfuit. Différentes versions pour cette fuite, il croit le roi mort, le comte du Maine était venu pour obtenir un traité et ne voulait pas se battre, il aurait pactisé avec la ligue du bien public ? En se sauvant le Duc du Maine entraine à ses trousses une bonne partie de la cavalerie de Charles et le duc de Bourgogne en personne, en bon général, se lance à sa poursuite quittant ainsi le champ de bataille. Une partie de l’aile gauche bourguignonne rejoint tout de même la mêlée au centre ce qui fait basculer l’issue de bataille. Avec difficulté, ses capitaines le convainquent d’arrêter la poursuite. Il fait demi-tour et regagne le champ de bataille. En route, il croise une bande de soldats français qui n’avaient pas encore rejoint leurs positions à la bataille de Montlhéry. Dans la bataille qui s’en suit, le porte étendard de Charles est tué. Lui-même est blessé au cou au cours de cette escarmouche.

Pendant ce temps sur le champ de bataille, les artilleurs des 2 camps ont amené les canons sur le champ de bataille. Les boulets font des dégâts. De Haynin évoque « la grande frayeur et les terrifiantes mutilations ». La monture de Louis XI est transpercée d’une lance. Ses gens le croient mort et c’est un peu la débandade du côté français. Louis est rapidement remis sur une monture et rassemble ses troupes. Malgré tout ils contiennent difficilement les attaques des Bourguignons car une partie de l’aile droite des Bourguignons est venue renforcer les troupes du Bâtard ce qui a inversé le rapport de force. C’est une mêlée de toutes les troupes encore disponibles. Heureusement Louis est entouré de sa garde écossaise et des dauphinois. A 19 heures, Louis et le gros de ses troupes se replient sur la colline et le château de Montlhéry. Les bourguignons n’en demandaient pas tant et se replient vers les bois et leur « charroi ». Charles, de retour, organise le reste de son armée pour être prêt à repousser une attaque. Les bourguignons sont démoralisés. Charles est assez convainquant pour maintenir le reste de ses troupes sur le champ de bataille. Il envoie des éclaireurs qui aperçoivent les feux des français. Et ne vont pas au contact. Ils rendent compte que les français occupent Montlhéry.

Si on fait le bilan de cette journée de bataille enfin de cette demi-journée 

Aucun des belligérants n’est parvenu à remporter une victoire décisive et à prendre un ascendant sur l’autre. Plusieurs facteurs expliquent ce double échec : d’abord, l’absence d’ordre ; en effet, une fois leur place assignée, les hommes ne reçoivent plus d’ordres et ils ne respectent pas ceux qu’ils ont reçus ; puis la fatigue (les hommes n’ont reçu ni eau, ni nourriture de la journée) ; enfin le hasard et la peur : l’artillerie provoquant des blessures inconnues jusqu’alors et le bruit des canons effrayant les chevaux.

Au matin du 17, Charles fait sonner les trompettes et l’ost bourguignon se reforme en ordre de bataille prêt à en découdre avec l’ennemi. Une reconnaissance est menée à Montlhéry pour voir où en sont les Français. C’est Olivier de la Marche qui conduit cette reconnaissance et sa surprise est grande. Les troupes françaises ont quitté le champ de bataille ; il trouve les corps de nobles de l’armée française dans une maison de la ville, notamment celui du Sénéchal de Normandie Pierre de Brézé.

En fait, les Bourguignons sont très satisfaits de trouver la place vide. Ils prennent du repos dans les maisons de Montlhéry. Les habitants du village sortent de leur cachette et le commerce reprend avec les Bourguignons affamés. Les affaires reprennent. Il n’y a pas eu d’exaction sur la population de la part des Bourguignons. Malgré tout, les Français occupent toujours le château et tirent avec leur artillerie sur les Bourguignons mais sans dommage pour eux.

Après son repli au château, Louis XI décide de rentrer à Paris. Comme les Bourguignons occupent la plaine et la route de Paris il passe par Corbeil où il fait étape et rentre à l’abri des remparts de Paris le 18. On imagine que son armée est contente de rentrer dans la capitale après toutes les longues journées de marche depuis la campagne du Berry.

Pendant ce temps l’armée de Charles reste sur le champ de bataille et ne poursuit pas Louis XI. La tradition voulant, en ce temps, que pour être déclaré vainqueur, il fallait parcourir le champ de bataille pendant trois jours, Charles parcourt donc le champ de bataille pour montrer qu’il est le vainqueur. Le 19, les Bourguignons gagnent Etampes et s’emparent de la tour ainsi qu’une partie des bijoux du roi que celui-ci avait laissé en garde avant la bataille. Charles patiente encore deux jours à Etampes pour attendre l’armée bretonne. C’est là que se situe l’anecdote du premier feu d’artifice. Un soldat breton du nom de Jean Boutefeu fait partir un trait de feu qui serpente dans le ciel et vient frapper la façade où se tenaient les princes qui se croient attaqués. Après enquête le coupable est trouvé et après explication et de nouveaux tirs, tout le monde s’en amuse. Le 31, les princes avec les armées bourguignonnes et bretonnes quittent Etampes pour Milly-en-Gâtinais.

Bien sur les deux parties s’attribuent le gain de cette bataille.

Charles parce que, conformément à la coutume, il était resté maître du champ de bataille pendant trois jours et, de plus, il avait fait main basse sur l’artillerie royale. En fait il avait capturé le chef de l’artillerie royale, mais le gros de celle-ci n’était pas encore arrivé.

Louis XI s’attribua, également, la victoire en considérant que ses pertes étaient bien plus   faibles que celles son adversaire. C’est aussi recevable

Pourquoi il n’y eu pas de vainqueur ? Chaque partie aurait pu prendre un avantage décisif. Louis XI en début de bataille aurait pu l’emporter si son aile droite au lieu de poursuivre l’ennemi, n’avait décidé de s’arrêter à leurs charriots pour vider leurs tonneaux de vin. Mais aussi, si le comte du Maine n’avait pas fait demi-tour avec ses hommes sans livrer bataille, privant ainsi Louis XI du tiers de son effectif, et si Rouault était sorti de Paris pour prendre les Bourguignons à revers. Les Bourguignons, aussi, auraient pu l’emporter si lors de la fuite du comte du Maine, Charles ne l’avait pas poursuivi, abandonnant ainsi le champ de bataille.

En ce qui concerne les pertes, plusieurs versions s’affrontent. Il est, en effet, difficile de connaître le nombre de tués de chaque camp car, au soir de la bataille, les morts avaient été dépouillés par les soldats et habitants de la région, faisant disparaître tout indice d’appartenance à un camp.

L’opinion des paysans de la région et les gens de guerre mentionnent la mort de 600 hommes du roi et 2300 Bourguignons. Jean de Roye évoque 3600 tués ; Commynes parle d’un total de 2000 tués.

Après la bataille

Les armées de la Ligue prennent leur temps pour rejoindre Paris. D’abord, elles gagnent Milly-en-Gâtinais, ensuite Larchant, puis s’installent quelques jours à Moret sur Loing et Saint-Mammes jusqu’au 9 août où elles sont rejointes par les troupes venant de Bourgogne. Le 10, ils sont à Provins le 15, à Brie Comte Robert, le 16 à Charenton et les Bourguignons installent leur quartier général à Conflans.

Louis XI, après la bataille, n’est pas resté inactif. Le 10 août, pendant que les troupes de la Ligue sont à Provins, il décide de quitter Paris pour se rendre en Normandie. Son objectif est double : d’une part, parer à une éventuelle agression anglaise (la fin de la guerre de Cent ans n’est pas si loin et les Bourguignons sont les alliés des Anglais) et d’autre part, ramener des renforts sur Paris (en effet, le roi est en infériorité numérique par rapport aux princes et la Normandie est la plus riche province du royaume où 1800 lances sont stationnées).

Devant cette situation d’extrême urgence, même l’arrière-ban est requis.

Le 19, l’armée des coalisés se présente au pont de Charenton. Le 29, le roi rentre à Paris avec 70000 hommes et de l’artillerie. A partir de cette date les troupes royales se montrent plus agressives et les sorties et les tirs d’artillerie sur les positions bourguignonnes se multiplient. Le déploiement de troupes royales sur la rive gauche est assez préoccupant pour la Ligue. Les coalisés ne parviennent pas à couper l’approvisionnement en vivres de Paris et sont incapables d’emporter la ville de vive force. Et l’automne arrive avec ses pluies.

Toutes ces constatations amènent les coalisés à demander une trêve au Roi pour négocier. Les tractations ont lieu au cours du mois de septembre. Le roi n’accorde rien et des désunions commencent à poindre entre les princes, chacun se méfiant de plus en plus des autres.

Avant la fin des négociations, Charles décide de passer à l’attaque. Il franchit la Seine mais est repoussé à chaque fois. Dans la plupart de ses escarmouches, l’avantage est aux gens de Roi, mais tout ne se passe pas aussi bien pour le roi et les trahisons se succèdent. Il ne lui reste plus qu’à négocier et après avoir montré ses talents de guerrier, montrer ceux de négociateur. Comme à son habitude et comme il le pratiquera plus tard, Louis XI négocie séparément avec les ligueurs. Et comme souvent, les principaux princes vont obtenir des avantages significatifs ce qui les séparera des autres ligueurs et comme ils ont ce qu’ils veulent ils hésiteront à se soutenir lorsque le roi reprendra ce qu’il a donné. Bon nombre des ligueurs payeront de leur vie, plus tard, cette rébellion.

Cette bataille de Montlhéry marquera un tournant important dans la royauté, c’est la dernière fois que les princes et seigneurs ont pris les armes contre le roi de France. Par la suite il y aura bien des complots mais plus jamais de bataille rangée.

 

18 Novembre 2016  Gérard GUELDRY