Jean XXIII à Longpont

Sa journée au grand séminaire des Assomptionnistes du château de Lormoy

Par Jean Lescure

En 1950, les Pères Assomptionnistes, plus exactement les Augustins de l’Assomption, créateurs du journal La Croix et de l’hebdomadaire Le Pèlerin, veulent fêter solennellement le centenaire de leur fondation, en 1845. Ils n’avaient pas pu le faire auparavant à cause de la guerre et de ses suites (restrictions, etc…). Ils décident de célébrer cet anniversaire au château de Lormoy, où il y a leur grand séminaire, depuis 1934, avec une grande chapelle et de grandes salles.

Le jour de la célébration du centenaire, l’invité d’honneur qui préside toutes les cérémonies, est le légat du Pape, Mgr Roncalli, ambassadeur du Vatican à Paris, doyen du Corps diplomatique auprès du Gouvernement français. Au banquet, qui clôt les cérémonies, il a à sa droite Paul Fort, le Prince des Poètes, qui habite Montlhéry, et en face de lui, mon père, Jacques Lescure, Maire de Montlhéry. Pourquoi le maire de Montlhéry et Paul Fort à ce banquet ? Je pense qu’à cette époque, les « Pères de Lormoy » étaient beaucoup plus liés à la ville de Montlhéry qu’à celle de Longpont. Ils ne desservaient pas la paroisse de Longpont tandis que deux d’entre eux animaient la paroisse de Montlhéry, très dynamique avec une salle de spectacles (cinéma et théâtre) et une association sportive qui avait son terrain de sport (basket et gymnastique). Pendant et après la guerre, le « Père Christophe », Assomptionniste, curé de Montlhéry, qui avait participé à la Résistance, était très populaire dans la ville.

Voici le souvenir de ce banquet avec Mgr Roncalli, tel que Paul Fort l’a raconté à sa famille : « le repas – gastronomique – fut d’abord très digne, puis beaucoup plus animé. J’ai déjeuné, nous dit le poète, avec un type extraordinaire, un évêque italien, actuellement en poste à Paris. Il parle français comme toi et moi, avec peut-être un petit accent. Nous avons, tout le temps du repas, rigolé comme des collégiens. Ah ! mes enfants, quelle journée ! Ah ! que de bons mots ! Et ce curé ! Quel personnage »1. François Fort, le fils du poète, m’a confirmé ces propos ultérieurement.

Mon père, Jacques Lescure, tout guilleret en rentrant à la maison, a dit à ma mère qu’il n’avait jamais autant ri et blagué avec un Monseigneur.

Quelle stupéfaction ! quand nos deux « invités » à ce Centenaire solennel apprennent, plusieurs années après, en novembre 1958, que leur curé blagueur, leur Monseigneur de Lormoy, est élu Pape. Paul Fort envoie aussitôt à mon père la couverture du Paris Match relatant cette élection, avec dessus la photographie du tout nouveau Pontife. Il y écrit le commentaire suivant : « En souvenir du jour où Jacques Lescure déjeunait en face du futur Jean XXIII et moi, poète, à la droite du futur Pontife (Puisse-t-il prier le Bon Dieu de nous accorder cent ans de vie) ». Paul Fort a été presqu’exaucé, il est décédé à 88 ans en 1960, mon père est mort, hélas, beaucoup moins âgé.

Je garde précieusement la couverture du Paris Match, que vous pouvez voir ci-dessous, et regardant le Pape Jean XXIII, devenu Saint Jean XXIII, je me prends à rêver et je vois Paul Fort, qui est au Paradis des Poètes, aller chercher mon père au Paradis des Maires, pour aller voir Jean XXIII au Paradis des Papes et se distraire à nouveau, lors d’un banquet céleste.

1 François Fort, « Le Poète est dans le pré » Pp. 21-127 dans Antonakis Antoine, Fort François 1989 – Paul Fort à Montlhéry. Le poète est dans le pré. Editions du soleil natal, Corbeil-Essonnes, 203 p.